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Bad Bitches Only : Interview avec sa créatrice, Inès Slim

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Vous le savez, chez Jeux.com, nous aimons dénicher les projets qui feront les jeux de demain. Nous vous parlons d’ailleurs régulièrement de campagnes de crowdfunding sur les différentes plateformes de financement participatif existantes (Kickstarter, Ulule…).

Il y a quelques mois, nous avons été intrigués·e·s par une campagne en particulier, celle de Gender Games sur Ulule. Nouveau sur le marché des éditeurs de jeu (sa création remonte à février 2019), cette société nous a bluffé par la révolution qu’elle opère : un jeu de cartes de culture générale nommé Bad Bitches Only.

 

“My name? Bitches, BAD BITCHES ONLY”

Qu’est-ce qui est innovant dans cela me direz-vous ? C’est tout simple et pourtant personne n’y avait pensé avant : le jeu met à l’honneur les femmes, personnes trans, non-binaires et/ou faisant partie des minorités* ayant marqué l’Histoire d’une manière ou d’une autre.

Après une campagne plus que réussie sur Ulule (ndlr : la campagne a atteint 127%), Bad Bitches Only est à présent disponible sur le site de Gender Games.

Rencontre avec sa créatrice : Inès Slim

Nous avons eu la chance de discuter avec la créatrice de Bad Bitches Only, Inès Slim et à cette occasion, nous avons voulu en savoir plus sur le projet de Gender Games.  Elle a gentiment accepté de répondre à nos questions.

 

Présentation d’Inès Slim

Chez Jeux.com, nous souhaitons mettre en avant les jeux qui ouvrent les yeux et l’esprit sur le monde qui nous entoure, attisent la curiosité et développent la réflexion de tous et c’est pour cela que nous tenions absolument à discuter avec vous Inès. Merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. C’est avec une grande joie que nous avons suivi la consécration de votre projet et nous ne pouvions pas ne pas en parler sur Jeux.com. Mais tout d’abord, pourriez-vous vous présenter pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas ? Qui est Inès Slim ? 

Inès Slim : Je suis une jeune entrepreneuse – de tout juste 25 ans – passionnée de jeux de société et militante féministe depuis quelques années. Diplômée d’une école de commerce et aillant travaillé précédemment dans le milieu muséal, rien ne me prédestinait à me lancer dans cette aventure !

 

Comment l’aventure Gender Games a commencé ?

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans l’aventure des jeux de société ? Comment ce projet féministe et inclusif est-il né ?

Inès : Le point de départ de ce projet vient d’un constat plutôt consternant : les statistiques concernant la représentation des femmes et minorités de genre dans tous les domaines de la culture, institutionnelle et populaire. Par exemple, les femmes ne représentent que 2% des noms de rue en France et 6% des noms cités dans les manuels scolaires. Alors même qu’elles sont très nombreuses à avoir marqué l’histoire d’une manière ou d’une autre ! Il est temps de faire évoluer notre culture générale en incluant ces personnes qui représentent la moitié de la population mais sont si souvent invisibilisées.

Plus concrètement, j’adore jouer à des jeux de société mais lorsque j’ai voulu organiser une soirée jeux avec des ami·e·s féministes, je n’en ai trouvé aucun qui puisse correspondre. J’ai donc décidé de le créer !

 

Bad Bitches Only

Qui se cache derrière Bad Bitches Only ? Présentez les personnes qui vous ont accompagnées. 

Inès : Si j’ai monté l’entreprise et créé le contenu du jeu entièrement seule, je n’aurais jamais pu monter le projet sans l’aide des graphistes Elodie Mandray et Caroline Aufort, du studio Acmé, qui ont développé l’identité graphique de Bad Bitches Only et m’ont épaulé tout du long. J’ai également collaboré avec l’illustratrice Anna Wanda Gogusey, avec qui j’ai également lancé une collection capsule de tote bags, carnets et accessoires en tout genres à l’effigie de Bad Bitches du jeu.

Comme le jeu concerne de nombreuses personnes ayant été invisibilisées dans l’Histoire, cela n’est-il pas trop dur d’y jouer ? A quel public le jeu est-il destiné ? 

Inès :Beaucoup de personnes appréhendent cet aspect du jeu et me posent la question. En fait, sur les 250 cartes, il y a un vrai mélange entre les personnalités hyper connues, comme Beyoncé ou Cléopâtre, et celles qui ont été invisibilisées. Je voulais que personne ne soit bloqué pendant la partie, et, comme les figures vont du sport à la musique, aux personnages fictifs, tout le monde devrait y trouver son compte ! En plus, on peut passer autant de fois qu’on veut, donc il n’y a vraiment aucune crainte à avoir.

D’ailleurs, durant les quelques tournois que j’ai pu organiser, tou·te·s les participant·e·s s’en sont très bien sorti·e·s et ont adoré le jeu !

Bad Bitches Only est plutôt destiné à un public adulte ou adolescent – mais vous pouvez vous en douter avec le nom ! – de tous genres, féministe ou pas. L’idée est aussi d’apprendre de nouveaux noms et de s’améliorer de partie en partie !

 

Bad Bitches Only : un jeu inclusif

Pourquoi avoir choisi le titre de Bad Bitches Only pour le jeu ? Et à quoi correspond le #representationmatters ?

Inès : Je voulais un nom assez léger, drôle et badass pour bien représenter le jeu ! Bad Bitches Only c’est aussi très féministe : « bitch » est une insulte qui est majoritairement adressée aux femmes, mais elles se la sont réappropriée et c’est maintenant devenu plutôt « empowering » ! J’ai d’ailleurs écrit une brève là-dessus. Comme le jeu n’inclut pas que des femmes (cisgenres et transgenres), des hommes transgenres et des personnes non-binaires, je voulais un terme qui soit non-genré, neutre, pour inclure tout le monde.

Pour le #RepresentationMatters, c’est un hashtag assez populaire sur les réseaux sociaux qui vise à mettre en avant des personnes qui ne sont pas habituellement représentées dans les médias mainstream : les personnes racisées, trans, handicapées… L’idée est que nous avons besoin de modèles plus diversifiées pour pouvoir s’identifier, y compris dans positions de pouvoir comme dans la politique ou à la télévision. C’est exactement l’idée que je veux défendre avec Bad Bitches Only !

La conception du jeu

Nous imaginons que la conception du jeu n’a pas dû être de tout repos, quelles sont les difficultés que vous avez pu rencontrer ?

Inès : Honnêtement, à part tous les tracas habituels que peuvent rencontrer les entrepreneur·e·s, la sélection des personnages pour les cartes a été très difficile ! Déjà pour la partie recherche, puisque beaucoup ont été effacées de l’Histoire, j’ai dû me reposer sur des ouvrages et sites non traditionnels.

Mais finalement, ce n’était pas le plus dur, puisque j’ai pu me constituer une base de données de plus de 1000 noms ! C’était surtout le process de sélection qui a été compliqué. J’ai essayé d’avoir un bon équilibre entre figures connues et moins connues, entre personnalités de toutes origines, orientations sexuelles, identités de genre, etc. Malgré ce que l’on peut croire, 250 ce n’est pas assez ! C’est pour ça que j’ai décidé de compléter le jeu au fur et à mesure avec des extensions thématiques.

 

Comment jouer à Bad Bitches Only ?

Si nous avons bien compris, Bad Bitches Only reprend le principe du Time’s Up. Pourquoi vous êtes-vous inspirée de ce jeu pour parler de cette cause qui vous tient à cœur ?

Inès : Le jeu reprend un peu le principe de Time’s up, ou du jeu du chapeau, en fonction des références.

Je voulais créer un jeu qui se joue facilement entre ami·e·s ou en famille, à l’apéro ou dans le train, sans prise de tête. La catégorie des « jeux d’ambiance » me paraissait parfaite pour aborder de manière plus légère des problématiques sérieuses comme le féminisme. C’est un moyen d’introduire le sujet différemment, ce qui peut être utile auprès d’un public réfractaire.

Mais l’idée était aussi de proposer un jeu pour des personnes féministes qui veulent s’amuser tout en respectant leurs valeurs !

 

La composition de la boîte

En quelques mots pourriez-vous nous expliquer comment jouer à Bad Bitches Only ? De quoi se compose la boîte de jeu ? Quelles sont les différences avec le Time’s Up ?

Inès : Dans la boîte, il y a 250 cartes : 245 avec des noms de personnalités et 5 cartes vierges pour y inscrire les noms de ses propres héro·ïne·s. Il y a aussi le Bad Dico, un livret qui explique les règles du jeu et répertorie les biographies de chaque Bad Bitch.

Le but du jeu est de faire deviner un maximum de cartes à son équipe en un temps limité, et cela en mots, en dessins ou en mimes en fonction des manches !  Il y a aussi des « cartes éclairs », qui sont des cartes bonus qui rapportent double si elles sont devinées. Un moyen de pousser les participant·e·s à s’attaquer aux cartes les plus difficiles.

Il y a aussi une règle très féministe qui me tenait à cœur : on n’a pas le droit de commencer la description par « c’est la femme de… » sinon on  passe son tour !

 

Les Extensions

Bad Bitches Only a déjà sa première extension Feminist Warriors, pourriez-vous nous en dire plus sur celle-ci ?

Inès : L’extension Feminist Warriors se compose de 80 cartes supplémentaires qui peuvent être ajoutées au jeu et qui se concentrent exclusivement sur les militant·e·s et icônes féministes, alors que Bad Bitches Only s’étend à des femmes et minorités de genre qui ne sont pas nécessairement féministes mais ont marqué l’histoire, ce que je trouve féministe en soi.

L’extension est donc parfaite pour des personnes qui ont une culture féministe un peu plus pointue ou qui veulent en apprendre plus sur le sujet !

Nous sommes curieux·ses,, auriez-vous une info exclusive à partager avec les lecteurs·rices de Jeux.com ? De nouvelles extensions sont-elles en projet ?

Inès : Oui ! Une nouvelle extension est en cours de préparation et j’espère pouvoir la sortir avant la fin de l’année ! La thématique vient d’être choisie par nos abonné·e·s sur les réseaux sociaux grâce à un sondage. Je ne peux pas encore vous révéler le résultat mais gardez un oeil sur notre Instagram, on devrait l’annoncer très bientôt 😉

 

Le mot de la f(ém)in(iste)

Que pensez-vous des jeux de société actuels ?

Inès :Les jeux de société sont à l’image de notre société : beaucoup me semblent très problématiques, par leur contenu ou leur design, que ce soit à travers l’invisibilisation ou la sur-sexualisation des personnages féminin, en recourant à des principes d’humour racistes, sexistes et homophobes, etc. Mais je ne blâme pas le milieu des jeux plus que n’importe quel autre milieu : ces exemples ne sont que les symptômes d’oppressions systémiques.

Mais heureusement, à l’image de notre société, il y a également beaucoup de nouvelles initiatives très intéressantes qui fleurissent un peu partout ! Par exemple, la gamme de jeux féministes pour enfants The Moon Project ou le jeu Who’s She !

Maintenant que vous avez sauté à pied joint dans le monde des jeux de société et que c’est un succès, que comptez-vous faire ? Votre avenir dans 5 ans, vous le voyez comment ?

Inès : J’aimerais continuer à développer la gamme Bad Bitches Only, y compris avec une version internationale pour toucher un public plus large. Si je peux faire évoluer les mentalités, même de peu, grâce à mes jeux, je serais comblée !

J’ai aussi pour projet de continuer dans ma lancée et créer d’autres jeux féministes dans les prochaines années, les idées ne manquent pas !

 

Des jeux que vous aimez ?

Dites-nous Inès, vous qui aimez tant les jeux de société, quels sont ceux que vous recommanderez ? Quels sont vos jeux préférés ? 😊

Inès : C’est une question impossible ! Il y a tellement de jeux aujourd’hui, entre les classiques indémodables et les nouvelles sorties, je ne peux pas choisir.

 

Tous Acteurs et toutes actrices du changement

Chers·ères lecteurs·rices, nous vous invitons fortement à soutenir les éditions de jeux de société comme Gender Games (ou encore Bioviva!, Topla…) qui ont pour but de faire évoluer les mentalités. Offrez ces jeux inclusifs tout en étant ludiques aux enfants (et aux adultes aussi !) qui vous entourent.

Et pour suivre son actualité, likez la page Facebook Gender Games ou vous pouvez la suivre sur Instagram.

 

Avec Gender Games, la relève d’enfants badass et respectueux·ses est assurée !

 

Le lexique des genres

Pour mieux comprendre l’article, voici un petit lexique reprenant les termes utilisés dans l’article.

(*) Une personne transgenre (ou trans) est une personne qui ne s’identifie pas au genre qui lui a été assigné à la naissance.

Une personne non-binaire (ou NB) est une personne qui ne s’identifie pas exclusivement ni au genre masculin ni au genre féminin.

Quelqu’un de cisgenre (ou cis) est une personne qui s’identifie au genre qui lui a été assigné à la naissance.

Source : Ulule – Bad bitches only

 

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